Témoignages autobiographiques d’anciens déportés

25 Avr 2020 | Littérature adulte

Je sais que cette sélection de livres détonne complètement des autres sujets plus légers de mon blog. Et puis, j’ai décidé de vous en parler quand même. Peut-être de donner aussi envie à certaines lectrices de découvrir leurs histoires. Oublier un temps qui nous sommes pour nous plonger dans ces témoignages historiques. Ces trois auteurs ont tous un point commun, ils ont tous les trois été déportés dans le plus grand complexe concentrationnaire sous le Troisième Reich : le camp d’Auschwitz, à la fois camp de concentration et camp d’extermination, créé en 1940 à l’initiative d’Heinrich Himmler. Leurs récits me terrifient. Cette période sombre de l’histoire, pas si lointaine, raconte ce qu’il y a de plus innommable chez l’Homme. Je vous partage donc ces trois livres bouleversants.

Si vous n’avez qu’un seul livre à lire sur la vie dans les camps de concentration, c’est lui !

C’est sans doute le livre qui m’a le plus bouleversé. Avis à tous les professeurs d’histoire dans nos lycées, nos facultés : rendez ce livre obligatoire, proposez le à vos étudiants ! Un témoignage de cette ampleur nous apprend tellement sur l’holocauste, le processus d’extermination, l’industrialisation de la mort. Il est d’autant plus incroyable qu’il a commencé à être écrit par Primo Levi alors qu’il se trouvait encore enfermé dans le Lager.

Cet italien juif a été déporté en 1944 dans le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Monowitz. Il y raconte l’horreur, les souffrances, le froid, la faim, l’humiliation, l’absence de solidarité entre prisonniers. Il nous en apprend plus sur le rôle des kapos désignés par les allemands, ces prisonniers qui organisent avec autorité et violence la vie quotidienne des camps. Petit moment de trêve : Primo, chimiste de formation, est choisi pour travailler dans un laboratoire de Buna. Il va travailler dans la chaleur pendant l’hiver. Et puis, l’armée russe poursuit son avancée. En décembre, Buna est sous les bombardements des alliés. Il lui faudra encore une chance : celle d’avoir eu la scarlatine et d’avoir été mis en quarantaine au moment où, devant l’avancée russe, les SS quittent le camp avec plus de 55 000 prisonniers, laissant sur place les malades.

Si je dois vous parler d’un passage particulier du livre, celui des sélections m’a particulièrement interpellé. Il raconte comment sur simple volonté d’un homme, celui-ci a possibilité de vie ou de mort sur vous en une fraction de seconde. Extrait.

C’est là, entre les deux portes, que se tient l’arbitre de notre destin, en la personne d’un sous-officier des SS. À sa droite, il a le Blockâltester, à sa gauche le fourrier de la baraque. Chacun de nous sort nu du Tagesraum dans l’air froid d’octobre, franchit au pas de course sous les yeux des trois hommes les quelques pas qui séparent les deux portes, remet sa fiche au SS et rentre par la porte du dortoir. Le SS, pendant la fraction de seconde qui s’écoule entre un passage et l’autre, décide du sort de chacun en nous jetant un coup d’œil de face et de dos, et passe la fiche à l’homme de droite ou à celui de gauche : ce qui signifie pour chacun de nous la vie ou la mort. Une baraque de deux cents hommes est faite en trois ou quatre minutes, et un camp entier de douze mille hommes en un après-midi. Moi, comprimé dans l’amas de chair vivante, j’ai senti peu à peu la pression se relâcher autour de moi, et rapidement mon tour est venu. Comme les autres, je suis passé d’un pas souple et énergique, en cherchant à tenir la tête haute, la poitrine bombée et les muscles tendus et saillants. Du coin de l’œil, j’ai essayé de regarder par-dessus mon épaule et il m’a semblé voir ma fiche passer à droite.

Primo Levi

Si c'est un homme, Éditions Pocket

L’espérance d’un baiser – Raphaël Esrail

L’espérance d’un baiser ou comment un coup de foudre a sauvé Raphaël Esrail des camps de la mort. Un témoignage vibrant. Il raconte comment sa rencontre avec Liliane lui a permis de survivre au camp, et comment il nourrit l’espoir de la revoir.

L’arrestation de ce jeune résistant eut lieu dans une officine de faux papiers en janvier 1944. D’abord torturé et emprisonné, il fut transféré au camp d’internement de Drancy en France en 1944. Il y fera la rencontre de sa vie : Liliane Badour, dont il tombe éperdument amoureux. Il fut déporté quelques jours plus tard à Auschwitz où il est désigné pour le travail forcé. Liliane, quant à elle, entre au camp de Birkenau (situé à quelques kilomètres d’Auschwitz). L’auteur nous explique aussi la difficile reconstruction psychologique (et matérielle) des survivants et mène une réflexion sur le devoir de mémoire. Raphaël Esrail a livré ce témoignage très récemment, en 2017, soit plus de 70 ans après sa libération. Il l’explique : C’est grâce à Aurélie, ma petite-fille, qui me demande depuis des années d’écrire mon témoignage, que ce livre est né. Si vous ne l’avez pas encore lu, courez l’acheter !

La plupart des hommes et des femmes déportés rapportent qu’à un moment ou un autre, ils ont été confrontés à un choix qui engageait leur vie. On n’imagine mal dans cet univers l’existence du choix dont la notion est liée à l’exercice d’un libre arbitre. Quand la situation s’est présentée, cela revenait souvent à jouer, bien malgré soi, à la roulette russe, marcher les yeux bandés au bord d’un précipice. Allait-on tomber ou s’éloigner du gouffre ?

Raphaël Esrail

L'espérance d'un baiser, Éditions Robert Laffont

Raphaël Esrail a livré son témoignage en 2017 sur le plateau télévisé de La Grande librairie.

Une jeunesse au temps de la Shoah – Simone Veil

Extrait du livre Une Vie, cette version courte reprend les quatre premiers chapitres de son autobiographie.

J’ai préféré cette version courte qui nous permet d’en apprendre davantage sur le long chemin qui l’a mené au camp d’Auschwitz-Birkenau. Elle couvre les premières décennies de sa vie sur la période 1927-1954. C’est simple, je l’ai lu d’une traite. Il est difficile de s’arrêter en cours de lecture tant son récit, ses apports historiques sont divinement racontés. On vit le camp avec elle, entourée de sa famille, et surtout, on est empreint d’une grande tristesse et à la fois d’une telle colère mélangée à un sentiment d’incompréhension en lisant ses mots. Comment un homme est-il capable de faire subir les pires sévices, les pires horreurs alors que celui-ci rentre tous les soirs dans la chaleur de son foyer entouré de ses enfants ? Ce n’est pas par hasard que cette période particulière de notre histoire me passionne autant, car il réside encore en moi une incapacité à comprendre comment nous en sommes arrivés là.

Simone Veil, considérée aujourd’hui comme une icône de par sa triste expérience dans le camp et par son parcours politique par la suite, nous livre ici un témoignage poignant. Je ne saurais que vous le recommander aussi. À la différence des deux autres auteurs cités dans mon article, Simone Veil, en tant que femme, nous raconte en détail comment les SS et l’organisation nazie ont orchestré le meurtre de millions de femmes et quelles étaient leurs places au sein de Birkenau.

Début avril, nous avons senti que le dénouement était proche. D’un jour à l’autre, les bombardements se rapprochaient. Milou n’allait pas bien. Elle aussi avait contracté le typhus. Je la réconfortais du mieux que je pouvais : Écoute, il faut tenir le coup et ne pas se laisser aller, parce que nous allons être libérées très vite. Lorsque je rentrais du travail, je lui répétais : Tu verras, c’est pour demain. Tiens bon, tiens bon. Et chaque nuit, alors qu’à cause des alertes l’éclairage était coupé et que je ne pouvais réintégrer notre baraque, la peur me saisissait : allais-je retrouver Milou en vie ? Cette idée qu’après ma mère, ma sœur risquait de ne pas rentrer en France avec moi m’anéantissait.

Simone Veil

Une jeunesse au temps de la Shoah, Éditions Le Livre de Poche

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